Je te sais sur le bout des doigts
Tu es ma chose, mon poème
Que tu me quittes ou que tu m'aimes
À jamais je te garde en moi
Je sais la noirceur explosive
La chaleur fauve et les parfums
De ta crinière où les matins
Ont laissé des filets de givre
Je sais de tes mains l'abandon
À mes pressions, à mes caresses
Et ô leur fébrile allégresse
À me trousser le cotillon
Je sais l'éclat brûlant, farouche
Que souvent estompent tes cils
Tenant tes yeux au bout d'un fil
À la fin j'harponne ta bouche
Je sais ta bouche aux spasmes lents
Aux contorsions d'animal ivre
Je sais combien elle aime vivre
Sous le joug de baisers violents
Je sais tes seins, ton cul : des orbes
Tendus de linon satiné
J'aime à venir ici dîner
Tandis que le jour se résorbe
Je sais ton ventre et ses soupirs
Je sais comment tu les réprimes
En resserrant ta lèvre intime —
Je sais les faire ressortir
Je sais de tes bruns épidermes
Les désirs fous et les appels
Silencieux — Je sais le miel
Et le flacon qui le renferme
Je sais ton sexe époux du mien
Ton plaisir toute honte bue
Je sais les houles qui remuent
L'océan secret de tes reins
Je sais tes cris, ces cris sublimes
Qu'à pleine gorge tu produis
Sortant comme du fond d'un puits
D'un gouffre oublié, d'un abîme
Je te sais sur le bout des doigts
Tu es ma chose, mon poème
Fuyante ou loin ou morte même
À jamais je te garde en moi