Après-midi d’une foune (24/11/2024)
Ô nymphes, regonflons nos souvenirs de l’heure
Où vous fûtes de lui le frisson : con qu’effleure
Son doigt de braise ardente, à la fois conque et fleur,
Repli heureux versant d’ivres et secrets pleurs,
Marécage, point d’eau où s’abreuva sa flûte,
Toison d’or, fauve doux mal armé pour ces luttes...
Aimais-je un rêve ?
Oh ! non, votre roseur s’offrait
Et, si bois vous fendit, ce fut de l’élan vrai
Qui, triomphant gaiement des sommeils de la touffe,
Vous ouvre et vous irrigue et plante et pine et pouffe
Au vu du soupir qui se fait jour dans l’œil bleu
De la femme éplorée —
Ah ! c’était fabuleux !...
Suffoquant de chaleurs, quêtant la pluie, avides
Nymphes, tout chante et bruit tandis qu’il vous évide
De son tuyau, roseau, pipeau, rameau subtil,
Le souffle enfle et halète et...
Bast ! comment fait-il
Pour si vite roussir votre fente écartée
Et, d’un sifflet joyeux, jeter sur la portée
Nos solos, nos baisers, nos folles pâmoisons
Et les fuites, les lacs, le soleil à foison,
Nos lumineuses peaux buvant la chair si mûre
D’un bélier pris de vin ?
Un plein essaim murmure
Qu’il nous remplit, qu’il puise à des sables sacrés,
Qu’il ruine, ô lèvres sœurs, vos rebords échancrés,
Et nous baisera tant que mourra le matin,
Nymphes, mais le désir, lui, jamais ne s’éteint,
Alors tant pis s’il vient, tant pis si c’est blasphème :
Je vais vous séparer afin que mes doigts m’aiment
En souvenir de lui !
Nymphes, rerougissez !
Mords, foufoune, à l’appât que je fais là glisser !
La motte échevelée, nos émois se rallument
Et rejouent le splendide incendie dont nous fûmes
À l’aube dévastées sous son corps nonpareil —
C’était ce matin même, au sortir du sommeil...
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