Stricte obédience (11/10/2022)

Ah ! qu'il fait bon souffrir à vos genoux, Monsieur !
Que je chéris ces mains qui me déshabillèrent !
Que me brûle l'acier miroitant dans vos yeux
Quand, farouche, vous brandissez la chambrière
Et m'en cinglez le dos, les cuisses et le cul !
Sous vos coups virulents je sens que j'ai vécu.
 
Pour vous j'endure tout : faites de moi l'objet
De vos insanités ; savourant mon martyre,
D'avance je souscris à vos plus fous projets ;
C'est cette incertitude même qui m'attire :
De me savoir livrée à votre esprit tordu,
Devenir un fragment de ce qui vous est dû.
 
Je baise, dur Seigneur, vos viriles beautés :
Vos pieds, votre œillet noir, vos velues aumônières,
Et rien n'est meilleur que lorsque vous boyautez
D'un embrasant coït mes indignes ornières —
Nirvana pour lequel, avant de l'obtenir,
Des jours durant j'essaie de vous appartenir.
 
Si vous me forniquez après la punition,
Toute tremblante encore et pleine d'ecchymoses,
Surtout ne montrez pas un signe de passion !
Baisez-moi comme on baise une viande, une chose
Inerte, un trou creusé dans la vase : on le prend
Afin d'en jouir ou juste pour passer le temps.
 
Monsieur, je ne veux pas d'autre maître que vous ;
Chassez-moi : aussitôt je me change en cadavre ;
Ma vie a-t-elle un sens auprès d'un être doux ?
Hors vous je n'ai connu que pantins — il me navre
D'entendre leurs douceurs, et surtout de subir
Leurs mièvres palpations qui se croient des plaisirs.
Ah ! tyran, qu'il fait bon par votre main souffrir !
 

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